mardi 18 décembre 2012

Dans les cales du monde social. Acte Unique et sans terme. Scène 1

La parole est à l'allocataire


Nous avons rencontré Mme A. lors d'un entretien qu'elle a eu avec l'accompagnatrice chargée de son suivi dans ses démarches d'emploi.

Elle est âgée de 56 ans - elle en paraît presque dix de plus- et possède une expérience professionnelle de plus de 20 ans en tant qu'aide à domicile auprès des particuliers. Veuve depuis l'été 2010 suite au décès de son époux d'un cancer particulièrement long, invalidant et agressif, elle s'est résolue à demander le RSA, en complément de ses ASSEDIC. C'est en sa qualité de "bénéficiaire du RSA" qu'elle est tenue de se rendre à ces entretiens dits "de suivi".
L'objet de l'entretien est, cette fois-là, de faire un retour sur l'Evaluation en Milieu de Travail (il s'agit, en fait, d'un travail non-rémunéré pour l'employeur qui y recourt) d'une semaine que Mme A. a effectuée dans une maison de retraite près de chez elle. Ce stage était pour elle l'occasion d'exercer pour la première fois dans une structure collective.

Accompagnement musical

Une vidéo de McCoy Tyner, jouant Giant Steps de John Coltrane, à Hamburg en 1996. Puis, L.F. Céline chantant À nœud coulant.




Sur Dostoïevski


"Il appartenait à cette légion innombrable et multiforme d'individus triviaux, de ratés sans énergie et de personnages entêtés et de sots dont la demi-instruction mal digérée les pousse à s'accrocher instantanément à la dernière idée à la mode pour la ravaler aussitôt, tourner en un clin d’œil en caricature tout ce qu'ils servent parfois même le plus sincèrement du monde".

"Une vraie douleur est capable de donner de l'intelligence à un imbécile, toujours pour un temps, naturellement".

"Pourquoi ne pas dire franchement, tout de go, ce qu'on a dans le cœur, si on sait qu'on ne parlera pas en pure perte ? Autrement, chacun se donne des airs d'être plus farouche qu'il n'est en réalité, comme si on craignait de déflorer ses sentiments en les exprimant trop vite".

"Quand je vais vers les gens, il me semble que je suis le plus vil de tous, et que tout le monde me prend pour un bouffon ; alors je me dis : « faisons le bouffon, je ne crains pas votre opinion, car vous êtes tous, jusqu’au dernier, plus vil que moi ! » Voilà pourquoi je suis bouffon, par honte, éminent père, par honte. Ce n’est que par timidité que fais le crâne. Car si j’étais sûr, en entrant, que tous m’accueillent comme un être sympathique et raisonnable, Dieu, que je serais bon !". 

Signalons, parmi les innombrables travaux suscités par cette œuvre colossale :

M. Bakhtine, La poétique de Dostoïevski, Le Seuil, coll. Points-Essais, 1988. 1ère Ed. en France : 1970, chez L'Age d'Homme.

J. Frank, Dostoïevski. Les années miraculeuses (1865-1871), Solin-Actes Sud, 1998. Une biographie qui revient sur une période féconde, malgré des conditions matérielles souvent très délicates (l'auteur est régulièrement payé à la page). Ainsi, Crime et Châtiment, L'Idiot, L'Eternel Mari ou encore Les Démons, prennent encore du relief.

Ressource sonore et visuelle :


Sur les podcasts de France Culture, cet entretien avec André Markowicz (centré sur L'Idiot, dont le Livre Premier fut écrit en deux semaines), qui a  excellement retraduit Dostoïevski pour Actes Sud. Ces traductions mettent en avant la dimension orale de l'écriture dostoïevskienne, gommée par les précédentes traductions, dans la volonté d'en faire un "Balzac russe", afin d'en faciliter la réception auprès du public lettré. En effet, la comparaison des traductions est parfois saisissante.

Dans cet entretien, le traducteur évoque aussi la place, décisive, semble-t-il, des dessins dans le processus d'écriture de Dostoĩevski.

Image issue de la page "Archives théâtre", de l'académie de Lyon.

Sur Faulkner


Ressources sonores :

Faulkner lit des extraits de son oeuvre

Entretien avec Jean Jamin, Anthropologie de Faulkner (un peu plus de la moitié de l'entretien est dédié à la carrière de l'anthropologue): http://www.franceculture.fr/emission-du-jour-au-lendemain-jean-jamin-2012-01-26

Davantage centré sur les thématiques qui traversent le travail de Faulkner, cet article,  de J. Jamin :


http://www.cairn.info/revue-l-homme-2010-3-page-389.htm



Entretiens (avec P. Bergounioux notamment) et lectures d'extraits de l'oeuvre :
http://www.franceculture.fr/emission-une-vie-une-oeuvre-10-11-william-faulkner-1897-1962-2011-01-16


 
"C'est toujours ceux qui ne sont bons à rien qui vous donnent des conseils. C'est comme ces professeurs d'Université qui ne possèdent même pas une paire de chaussettes et qui vous enseignent comment gagner un million en dix ans ; et une femme qui n'a jamais pu trouver de mari vous dira toujours comment élever vos enfants."

"On laisse si peu de trace, voyez-vous. On naît, on essaye ceci ou cela sans savoir pourquoi, mais on continue d’essayer ; on naît en même temps qu’un tas d’autres gens, tout embrouillé avec eux, comme si on s’efforçait, comme si on était obligé de faire mouvoir avec des ficelles ses bras et ses jambes, mais les mêmes ficelles sont attachées à tous les autres bras et jambes et tous les autres essayent également et ne savent pas non plus pourquoi..."

"...elle avait été obstinément martelée, laminée chaque jour d'avantage, comme un métal passif et malléable, jusqu'à n'être plus qu'une réduction d'espoirs vagues, de désirs frustrés, indécis et pâles aujourd'hui comme des cendres éteintes."

"C'était la montre de grand-père et, en me la donnant, mon père m'avait dit : Quentin, je te donne le mausolée de tout espoir et de tout désir. Il est plus que probable que tu l'emploieras pour obtenir le reducto absurdum de toute expérience humaine, et tes besoins ne s'en trouveront pas plus satisfaits que ne le furent les siens ou ceux de son père. Je te le donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l'oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t'essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l'homme sa folie et son désespoir, et la victoire n'est jamais que l'illusion des philosophes et des sots."