dimanche 24 mars 2013

Dans les cales du monde social. Acte Unique et sans terme : Scène 3


Un pauvre à l'audience.

Quand un chômeur se fait rappeler ses "droits et devoirs", et que cela est si rude qu'il est nécessaire de le maquiller d'un peu de fiction.


La scène se déroule dans un austère bâtiment administratif qui abrite une sous-section des Affaires générales aux Subsides. Le pauvre y a été convoqué afin qu'il rende des comptes sur, justement, sa condition de pauvreté, que les dirigeants de la sous-section, constituée en Bureau extraordinaire des Subsides, estiment s'éterniser indûment.

Les protagonistes en sont :

- Le Président du Bureau des Subsides (désigné par PB)

- L'Assesseure (désignée par A)

- Le pauvre (désigné par sa condition)



PB : Alors, écoutez, le mieux donc, c'est d'entrer dans le vif du sujet... Moi, je reçois de temps en temps des personnes... pour « faire le point ». Donc, « faire le point », ça veut dire quoi ? Ça veut dire, effectivement, s'interroger (un temps), à partir des éléments qu'il y a dans le dossier. Moi je vous connais pas, hein (baisse la voix)... La question principale, enfin on peut partir de là, c’est que vous êtes dans le dispositif depuis 2004 (appuyé, un temps)... d'accord ? Ça fait huit ans. Alors, tout de suite, j'annonce la couleur, c'est absolument pas un reproche (un temps). C'est clair dans ma tête, y a pas ça. Simplement (appuyé, un temps), depuis 2004, donc ça fait quand même huit ans.

Le pauvre : Hum, hum (ton qui tente de masquer l’inquiétude).

PB : Et ça fait huit ans, c'est très long (un temps)...

Le pauvre : (Le coupe) Je trouve aussi.

mercredi 20 mars 2013

Dans les cales du monde social. Acte Unique et sans terme. Scène 2


Un chômeur pris dans la toile des dispositifs d'insertion. 


Circulation circulaire d'un contrôle social




Mr. V., âgé de 35 ans, est « bien connu des services sociaux ». Il est allocataire du RMI depuis 2002 et a été régulièrement l'objet d'un suivi médical et psychologique. Il a connu et connaît encore actuellement des ennuis avec la justice. Qualifié d' "impulsif" par son accompagnante socio-professionnelle, il doit effectuer un suivi SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation) de 18 mois, assorti d'une obligation de soins et de l'effectuation d'un TIG. Selon lui, « ils m'ont fait casquer le max', ils ont pas été de main morte, juste parce que j'ai mis une claque à quelqu'un. Il m'avait insulté, aussi ! ». Mr. V mène une vie maritale longtemps mouvementée et à deux petites filles qui vont à l'école maternelle. Originaire du Nord, arrivé dans ce département rural après un divorce en 2003, il est titulaire d'un CAP Construction Mécanique et Béton armé. Le dernier emploi qu'il a occupé est un contrat aidé sur un chantier d'insertion en qualité d'ouvrier des espaces verts et de la voirie, qui n'a pas été renouvelé suite à des difficultés relationnelles avec une collègue. Son CV fait principalement mention d'emplois d'ouvrier-maçon ou d'ouvrier de conditionnement dans l'industrie alimentaire, le plus souvent en qualité d'intérimaire. Il touche 517 euros d'Assedic et 190 euros de RSA.