samedi 8 février 2020

Claude Pélieu : Flash pour Bob Kaufman



FLASH POUR BOB KAUFMAN

Par Claude Pélieu



Couteaux fanés, fétiches d’émail, contractions pénibles, no dieu ni maître dans la nuit Ut arrachée aux torpeurs LAINE et COTON --- BOB
Man mort à la bretelle, seul, livré aux avalements à San Matéo County Hospital ---
Se débarrasser de la « douloureuse affaire » Sporadique-Soporifique, plier les bagages d’ailes, se conchier dans les torpeurs postales, être noir peut-être blanc par hasard, maqué aux écumes de gomme, égaré dans la caserne d’épaules prêtes à porter ---
Exil des duplicateurs, corps dénervés dans les flasques, ventouses de bile --- Mourir en rêve envapé --- Su-sauts de rien, bulles de braise, anges rebelles, bateliers dessoudés, contractés, distendus ---- Errer à l’écart des applications industrielles sans lendemain ---
Chocs d’accélération, bombes d’héroïne, paumés, exilés parmi nous, intouchables entre les pognes de Mr Mégatonne ---
Plongeons : et à l’heure de notre mort dans le building gris du corps, le mot CAME épelé encore une fois, à voix basse, par le Fourgueur Objectif : nausées, épaules froissées, possédés aux paupières molles --- Cendres, crabes-joyaux, arcanes acharnées à époumonner les villes mal branlées --- Implacable rythmique, lieux communs, voix aigres des désirs de suie ---
Sursauts : (dénouement) : écrire (maintenant) goutte à goutte dans les flaques, Sporadique-Soporifique, Interminable-Exterminable --- Nuages opaques, troubles, orgasmes morts, organes pourris, affaire secondaire classée --- Automates et Invisibles n’échappent pas à la solitude : SE DEBARRASSER DE L’HOMME DE CHAIR : chercher et oublier --- Métamorphoses du feu --- Hélices nouées aux noirs sommeils de gorge, THEATRE CHIMIQUE LAINE et COTON occupé par les flics jaunes et les Imaspécialistes de la Brigade Exotique Gais Ciseaux --- Ventouses des Instances MOL et MORT --- Ils veillent BOMKAUF --- Assemblage d’yeux crevés de plaies, asphaltes pain-brûlé privées de souffle ---
Le choix fixé comme un serrage… écarter les ombres… inventorier les ravages comme une pute qui s’émorpionne, froidement… séquences dominantes, entendre Mr Triste Con l’expert en la matière susurrer : « Moi ! Les drogués ! vous savez… », ils veillent, vieilles serrures, vieilles pines… à travers la vitre les yeux pannés braillent, nous nous reconnaissons, nous glissons, rien n’a changé, les cornes de brume conviennent et cèdent à nos systèmes nerveux… rues barrées, cuivres anéantis --- L’œil souillé de sang de crasse --- Le petit air de cuisine en os, North Beach angle ouvert sanglant, rideau de braguettes --- LE Fourgueur Objectif entame au gant d’ammoniaque le chanvre de nos viandes --- La corde chimique du besoin ronge l’épiderme d’après ---
Qu’il soit minuit qu’il soit midi vous me faîtes chier Docteur Schweitzer… Le rasoir zen tombe dans le bol des chiottes, heureuse solitude, haleine précédée de poussières radioactives --- Les cuivres grincent --- Le Carrefour des Neiges est illuminé --- Miettes, maerteaux pneumatiques, chenilles jaunes grasses, aucune communication… dans la cabine téléphonique du Fourgueur Objectif s’enfonce dans la citerne de peaux --- Freins hydrauliques, suicides --- Jouer avec les os, les heures, jouer avec les nerfs, le sang, jouer jusqu’à ce que l’eau salée de l’Oeil s’écaille --- REVIVRE EN SURIMPRESSION LES INTERVALLES MOL ET MORT --- Une seringuée de blanche noue sans bruit les boules bleues du sans ---
Bras nus perforés, cuisses maigres, mains qui brûlent sur le plateau « laiteux », la douleur s’en va, la douleur passe du bleu au rouge, sous les doigts l’impact de rien glisse doucement --- Torréfaction de la moelle épinière --- Figés, assis sur la chaise d’aluminium les phalanges crasseuses dansent, tu es là, étouffé par le bruit mat de l’ange --- Les crabes rognent, les fils barbelés jaillissent du trou du cul, éventuellement mal de traces, comme bonjour la tringle, vas-tu battre en renonce ? jouer du tronc ? voilà ce que t’offre LE Fourgueur Objectif, un petit néo balèze, un exercice de reptation, dans le cul comme bonjour ---
Charnières de l’AVOIR, coutures, trilles, griffes gantées de flammes, animations, ralenties --- Echapper… comme bonjour… le spectre du môme clignote comme l’enseigne géante de Los Angeles --- Les vers blancs lui rongent le nez, un jus brun s’écoule d’entre ses jambes… personne n’est censé ignorer la Loi et l’Abjection ---
Le refrain : aux affres du manques il titube, ses ongles crissent sur le mur, se retournent, le misérable bave gesticule, dans sa bouche le baîllon de bave épaissit, il pleure, ses yeux rétrécissent, durcissent, … STOP, … Lame de boue, débris, pellicules de douleur, affiches lumineuses où s’étalent en gros caractères les condamnations encourues pour vagandondage, vol, prostitution, proxénétisme, usage de stupéfiants, etc, STOP,… Partout dans les corps des plaques d’égouts miniatures s’ouvrent se ferment --- Froid noir / Caresses immondes sur la terrasse / Balises obscènes / Au ras du du flot de mucus un gnome gesticule --- Franges de cotons sales, peaux craquelées, nerfs effilochés, vrilles-langues gonflées de haine ; nigger ! bastard ! tresses d’étain en ébullition --- Nuages vertes --- Garrot immense --- Coagulations, au ralenti le liquide se dirige vers la semelle feuillue de l’identité, éclatements amortis, lune pâle, compte-gouttes sales, trottoirs éventrés, empreintes diffuses, ils veillent, anus gigantesque déféquant… nigger ! … Ici (sans bouger) sur l’eau --- ET POURTANT QU’AVONS-NOUS DE COMMUN AVEC EUX TOUS SINON LA COULEUR DE LA PEAU ---
Lieux divers : faits communs ---
Barre de chair vive, interrogatoires, internements, hommes mécanisés par le Démon Fluide, co-édition excrémentielle, Département de l’Injustice, lavabos d’amour gluants, rives neutres, lucarnes noires, objets froids, Démons-Cibles, doigts rongés par la Goulue Calculatrice, main à main avec l’angoisse, et sur chaque ciel l’impact merdeux ---
Os, serpents d’os --- Lignes de pourriture aménagées après la pluie par les Invisibles --- Etapes LAINE ET COTON --- Ouverture du Snackmangeoire pour les petits animaux blancs ---
Chaînes / tissus / étincelles / cymbales / hosties / lessives / cavités / morsures / téléscopes / brûlures / matrices / ciseaux / ongles / monotypes / pianos / aubes / moteurs / reprises / Carré d’os occupé par les sourdines de Cootie, nuit, nuit coulées entre les doigts, nuits entassées sur les ruines, les ecchymoses, dans les lavabos d’amour les oreilles sales ruminent, l’Ordination Supersonique n’aura pas lieu, quant au Pays des Rêves mec MORTEL, il va sans dire ---
EAU FEU LUNE SOLEIL SOUFRE MERCURE ---
Fenêtres étroites, expéditions d’excréments, sprint hallucinant contre la montre molle et suisse, anges aux ailes pourries, veines ouvertes, étapes déjà décrites, parcourues 1000 fois de NULLE PART ---
Ils veillent…
Ecrans poisseux, étreintes innommables, indicateurs, faux contacts, et, DANS CE MÊME CORPS L’ANGE EXTERMINATEUR ---
Flaques, cloques, noyades, corps entièrement soumis au poulpe mental, esplanade de métal froid où l’imaginaire décapité se décompose, derniers feux de position, chaos --- au bout de l’effroi --- ILS VEILLENT ça c’est une chose… (volatiles timbres rails KKK cristaux de soude cellule foudres horloges potences réfrigérateurs saints en tous genres cicatrices matraques femmes en couches torchons évidences amputations intersections) etc, STOP…
PLUS OU MOINS RIEN : 15000 ELEMENTS CELLULAIRES FOUTENT LE CAMP M / M2 PAR M / M2, LA FOIRE D’AGONIES AFFECTANT PROFONDEMENT L’EMOTIONNEL --- SPORADIQUE SOPORIFIQUE INTERMINABLE EXTERMINABLE --- HEROÏNE MORPHINE COCAINE EUCODAL METEDRINE ET TOUTE LA MERDE COTE D’ALERTE --- AU FIL DE LA FEE HYPODERMIQUE, ATTELES AUX CORPS MANGES DE CROÛTE LES CADAVRES « EXQUIS » INSPECTENT LEURS POCHES BOURREES DE BENNY ---

                                       ILS VEILLENT
                                       CA C’EST UNE CHOSE ---
                                       Ici
                                       (sans bouger)
                                        sur l’eau
                                        de NULLE PART à NULLE PART
                                        le FESTIVAL DES BULLES
                                         ici les sillons de la came sont précédés d’une
                                          astérisque ---


Frisco – Onan-City – Ula Ula Station – janvier 1965

Bob Kaufman : OUBLIEZ DE NE PAS





Bob KAUFMAN


OUBLIEZ DE NE PAS

Rappelez-vous poètes courant à travers le ciel,
alouettant criant appelant… marcher doucement.
Votre empreinte de pied sur les nuages de pluie
est visible aux yeux nus,
des lampes barnachées à vos pieds réfractent l’air
dénoué reflété.
Les parfums exotiques de vos visions secrètes
volent sur la face du temps.
Rappelez-vous --- n’oubliez pas les couleurs mou-
                                                           [rantes d’hier,
quand vous inhalez le rêve brûlant de demain soufflé
glacées.                                                   [des lèvres
           Rappellez-vous agents nus de tous les riens.



Traduit de l'américain par M.G. Beach et Claude Pélieu. Solitudes, 1965