TON CORPS
Participation aux ateliers d'écriture de Laura Vasquez
C’est fou comme en peu de temps t’es devenu gris
Ce sont les effets des produits
Les effets des produits de la chimiothérapie
C’est fou comme tu as gonflé
Ton corps est sous l’effet d’un immense gonflement
Ton cou est gonflé et ta voix est cassée
C’est l’effet de la chaîne ganglionnaire qui s’est formée
Tes bras sont gonflés on dirait des bouées
Pendant des années de beaux muscles bien noués
T’avaient permis de bâtir des maisons de monter des motos
De déplacer à toi tout seul une bétonnière pleine jusqu’à la gueule
Et maintenant t’es là dans un lit du service d’oncologie
Du second étage en partant dans la nuit d’automne
Je levais la tête et ta main jadis si solide
Nombreux étaient ceux qui disaient qu’elles étaient d’or que tu en faisais ce que tu voulais
Apparaissait à la fenêtre de la chambre 228
Ta main qui prolonge le bras et que tu lèves
J’attends encore un peu et ça y est, tu lèves le pouce
Des innombrables voyages que tu as fais celui-ci est le plus court
Fauteuil lit fauteuil lit fauteuil lit fauteuil toilettes lit de la chambre 228
C’est le plus court mais le plus éreintant de tous tes voyages
Et pour être encore plus lent traîner avec toi la perfusion et la machine à morphine
C’est ce qu’il y a maintenant de plus solide en toi
Partout sur ton corps, quand je te passe de l’eau de cologne parce que les douches tu n’en as plus la force
Je ne peux que voir les énormes hématomes verts sur ton corps gris
C’est comme lire les hiéroglyphes de la mort qui s’avance
Qui va prendre ce corps où pourtant battait si fort la vie
La force vitale énorme qui t’habitait
Ton yaourt et les produits protéinés tu peux même plus les manger seul
La petite cuillère est désormais plus lourde que la bétonnière
Ces mains si adroites ont déclaré forfait
Et comme le cathéter est implanté dans la fémorale
On t’aide dans les toilettes
Toi qui soulevait et portait les sacs de bétons de 50 kgs par deux
Un sur chaque épaule
Toi le champion à l’atelier de l’avionneur l’as des as de bowling golf ball-trap
Un peu paumé quand l’avionneur t’as mis dans les bureaux derrière un ordinateur
Cette salope de tumeur de partout elle t’a chopé
Et on avait beau s’y attendre comme des cons on continuait à espérer
Et puis un jour le service de réa a appelé
On a attendu dans le sas
Rien qu’au regard de la nana, on a comprit
Ca a duré trois mois tout ça
Ton corps gris à la morgue ils l’ont refait devenir un peu blanc
En tout cas le visage
Ce visage si doux ton visage si doux tes yeux bleux si doux plus doux que le bleu des îles
A une année de la retraite
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire