CESSATION
L’heure du grand enfermement résonne à nouveau.
J’ai décide de m’enfermer à mon tour, de mon propre chef.
Avec seulement mon je à moi.
Acquérir un lot avantageux dans une portion de lotissement
avantageusement placé. Assurer l’avenir. Le prêt, son taux, les échéances de
son remboursement.
Le parler qui sort de leurs bouches, ça fait des bruits
infects. De près, ça paraît obéir à une certaine logique.
Mais bien au fond de leur langage, dans les entrailles du
corps,
C’est la grande et fastidieuse et bordélique logorhée.
Qui répète, qui répète.
Qui n’est pas la vie. Qui en est simplement l’incessante
répétition : la trouille de se jeter à l’eau. Battre des bras et sourire
en surface
On ne me dira plus jamais de sourire pour la photo. J’ai
tout ce qu’il me faut pour tenir la cessation.
Il me restera bien les interactions de base : avec la
buraliste, avec le boulanger, avec le coiffeur. Des trucs de ce genre. Je
n’aspire qu’à une existence de papier, purement administrative. Je vois que ça
en fait rire certains. Pourtant, juste pour avoir cela, il y en a venus de loin
qui s’empilent sur des rafiots et vogue la galère. Les pouvoirs jouent au
billard avec.
Bonjour, s’il vous plaît, merci, au revoir. Et ça fait un
petit moment que j’ai réalisé que c’est seulement après que je peux à nouveau
respirer. Pour être bien certain d’être en capacité de décourager le moindre
contact, j’ai cessé de me laver.
Les autres, ils ont leur façade verbale bien allumée. On la
voit et on l’entend de loin. On dirait des alarmes de bagnoles qui se
déclenchent au moindre évènement.
Alors, c’est la grande migraine magnanime.
Il y en a encore qui se servent de mégaphones.
Ils se réunissent parfois et forme une belle troupe toute
décorée de banderoles et ils crient des slogans. La troupe veut faire peur à
ceux de tout en haut.
Eux-mêmes parfois, on les voit, ils se mettent à faire des
trous : ils cherchent la conviction la plus appropriée. Ils ne savent plus
très bien. Alors, ils se réunissent entre eux et ils discutent de la meilleure
conviction à adopter selon les secteurs.
Seulement, au bout d’un moment, la troupe est toute trouée
de sa lutte invisible. A force d’arpenter, de se heurter contre les murs de
pensées. La troupe se cogne de plus en plus souvent à la milice du pouvoir
frais et juvénile.
Laisse-tomber Pouvoir : on sait que ta fraîcheur et ta
juvénilité, ce sont seulement des allures. Tu es vieux comme un banquier
physiocrate du 19ème.
C’est toi qui dé-fait le monde, c’est pas la troupe.
Tu appelles ça réforme.
Réformes, réformes, réformes.
On le sait que tu prends la troupe pour une conne, Pouvoir.
La troupe, elle le sait ce que tu fais : tu te livres à
la grande Restauration. Tu la parachève.
Bien cadenassée ta Restauration.
Tu te livres aussi, Pouvoir, à des attaques contre le
langage, qui est comme la peau : le plus grand organe du corps.
On ne ramasse plus le langage qu’en éléments sur les écrans
et qui finissent par pénétrer dans les têtes. Ils en tombent sur tous les
trottoirs.
C’est visqueux, vicieux. C’est pas visible et saisissable
comme une matraque.
Les éléments de langage sont des matraques.
Tu t’amuses avec le langage, avec les corps. L’air de rien,
tu en balances un nouvel élément avec ta langue de prédateur.
Et tu attends. Que ça prenne.
Et la plupart du temps, ça prend, ça inocule en perforant.
Il se met alors à pousser
Du disruptif
De l’enpowerment
Des capabilities
Des pôles en veux-tu, en voilà.
De la bienveillance, de l’empathie
De l’empathie et de la bienveillance
Répétés à satiété jusqu’à en être vidés de leur substance
Il faut que je dévide la substance.
Il ne faudra plus mettre un pied dehors
Juste ma fenêtre
Mes quinze mètres carrés
Et Jean-Sébastien Bach
Ca commence aujourd’hui.
Fort !
RépondreSupprimerMerci beaucoup Lucien
Supprimer"Il y en a encore qui se servent de mégaphones." oui, c'est vrai, et il faut que je vous réponde avec le mien (on peut aussi parler doucement dedans, l'important étant que ça change le son, que le son dise vraiment ce qu'il en est de nous dans notre voix, que notre voix soit enfin ce qu'on veut entendre de la colère qui sort depuis dedans. Bonjour à Lucien, Charles P.
RépondreSupprimerGrand merci de votre commentaire, Charles-Guy P.
RépondreSupprimerJe prends bonne note de vos conseils d'utilisation du mégaphone.