Entends-tu le souffle tout contre l'oreille ? La sens-tu, la nuée chaude qui part de la bouche, s’interrompant presque là où le cou et l'épaule se soudent, en suspend. Et pourtant, au corps qui sait écouter ; replié dans la sensation douce d'être au monde ; et ramassé par les ondes du souffle qui, jusque-là clairsemées dans l'air, se rejoignent et poussent leurs derniers embruns jusqu'à la naissance de la poitrine, gorgée de lumière cependant déclinante, un dernier instant déposée sur l'arbre du verger. Comme on voudrait la sentir dans les paumes, pouvoir en saisir la soyeuse régularité.
En apercevoir la possibilité, déjà, et c'est dans son entièreté que le corps résonne. Bientôt, des décharges d'électricité humaine se conjugueront pour faire sauter la digue des regards sages.
Les grandes mains blanches et sévères du froid matinal se sont immiscées, juste le temps d'un battement de paupières, entre la peau et les lourds vêtements hivernaux. Alors, semblablement à la surface de l'eau lentement lissée par une brise glaciale, la chair s'est tendue. La peau a voulu résister, vaillante, déterminée, mais s'est peu à peu troublée - elle aussi tendue - ne se décidant pas entre le supplice de ces doigts gelés et le délice de ces mamelons étoilés, pointant vers le soleil, qui illuminait les fenêtres alentours. Et les fenêtres formaient encore d'autres soleils pour ces étoiles-là, qu'un filet de dentelle, obscur cachot, tenait à distance et réduisait au silence.
Nos ombres projetées par la vive lumière blanche du soleil, qui a triomphé de nuages chargés de laiteuse neige ailleurs, en forment une plus large qui se découpe en contours flous. L'instant d'après, elle se rétrécit, quand nos corps s'absorbent. Mes mains glissent sur tes fesses, hautes et pleines. Les yeux clos, à présent, je me remémore ta démarche décidée, où flotte ces fruits à l'éclat gourmand, mon appétit aiguisant. Ma main cherche plus bas, se déjoue des moqueuses coutures des tissus, et trouve. Tu respires un peu plus fort.
Longeant des sillons aléatoires, quelques fois chair, quelques fois tissus, maintenant arrivée à la lisière pubienne, ma main, proie de ces fruits, hésite. Les saisir à pleines paumes dans la délicieuse illusion de les presser pour les cueillir, illusion toujours recommencée. Délicieuse aussi, la sensation de deuil quand on quitte le verger. Car le tressaillement de tes jambes invite cette timide visiteuse à s'enhardir et à franchir la lisière, enivrant Rubicon, Ou Styx, qu'en sait-on, duquel on ne voudra revenir. Tes lèvres s'entrouvrent, un voile passe sur tes yeux et ta respiration s'interrompt, suspendue entre deux mondes. Ton ombre reprend sa part sur le mur éclatant quand mes doigts, par surprise audacieux, lézardent sur la pierre enchaudie, s'y allongent, mais sans repos. Taquins, ils prennent et délaissent, reprennent encore jusqu'à se consumer sur la pierre.
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