mardi 21 août 2018

Cessation




CESSATION

 

 

L’heure du grand enfermement résonne à nouveau.

J’ai décide de m’enfermer à mon tour, de mon propre chef. Avec seulement mon je à moi.

 Je ne veux plus de leurs jeux à eux.

 Je fais sécession, une tentative de cessation de commerce avec l’espèce humaine.

 Leurs gesticulations

 Leurs mastications

 Leurs préoccupations

Acquérir un lot avantageux dans une portion de lotissement avantageusement placé. Assurer l’avenir. Le prêt, son taux, les échéances de son remboursement.

 C’est le lot du proprio.

 Je vois bien l’abnégation, la volonté et la constance qu’ils mettent dans leurs actions.

 Il y a un terme à tout.

 Oui : à tout, un beau jour, il faut savoir mettre un terme. Clôturer la saturation des faux débats. Mettre une clôture à son lot.

Le parler qui sort de leurs bouches, ça fait des bruits infects. De près, ça paraît obéir à une certaine logique.

Mais bien au fond de leur langage, dans les entrailles du corps,

C’est la grande et fastidieuse et bordélique logorhée.

Qui répète, qui répète.

Qui n’est pas la vie. Qui en est simplement l’incessante répétition : la trouille de se jeter à l’eau. Battre des bras et sourire en surface

On ne me dira plus jamais de sourire pour la photo. J’ai tout ce qu’il me faut pour tenir la cessation.

Il me restera bien les interactions de base : avec la buraliste, avec le boulanger, avec le coiffeur. Des trucs de ce genre. Je n’aspire qu’à une existence de papier, purement administrative. Je vois que ça en fait rire certains. Pourtant, juste pour avoir cela, il y en a venus de loin qui s’empilent sur des rafiots et vogue la galère. Les pouvoirs jouent au billard avec.

 Il me faudra bien barricader ma façade verbale :

Bonjour, s’il vous plaît, merci, au revoir. Et ça fait un petit moment que j’ai réalisé que c’est seulement après que je peux à nouveau respirer. Pour être bien certain d’être en capacité de décourager le moindre contact, j’ai cessé de me laver.

Les autres, ils ont leur façade verbale bien allumée. On la voit et on l’entend de loin. On dirait des alarmes de bagnoles qui se déclenchent au moindre évènement.

Alors, c’est la grande migraine magnanime.

Il y en a encore qui se servent de mégaphones.

Ils se réunissent parfois et forme une belle troupe toute décorée de banderoles et ils crient des slogans. La troupe veut faire peur à ceux de tout en haut.

 Ceux qui sont le plus habités par leurs convictions, ils sont sous perfusion.

Eux-mêmes parfois, on les voit, ils se mettent à faire des trous : ils cherchent la conviction la plus appropriée. Ils ne savent plus très bien. Alors, ils se réunissent entre eux et ils discutent de la meilleure conviction à adopter selon les secteurs.

Seulement, au bout d’un moment, la troupe est toute trouée de sa lutte invisible. A force d’arpenter, de se heurter contre les murs de pensées. La troupe se cogne de plus en plus souvent à la milice du pouvoir frais et juvénile.

Laisse-tomber Pouvoir : on sait que ta fraîcheur et ta juvénilité, ce sont seulement des allures. Tu es vieux comme un banquier physiocrate du 19ème.

C’est toi qui dé-fait le monde, c’est pas la troupe.

Tu appelles ça réforme.

Réformes, réformes, réformes.

On le sait que tu prends la troupe pour une conne, Pouvoir.

La troupe, elle le sait ce que tu fais : tu te livres à la grande Restauration. Tu la parachève.

Bien cadenassée ta Restauration.

Tu te livres aussi, Pouvoir, à des attaques contre le langage, qui est comme la peau : le plus grand organe du corps.

On ne ramasse plus le langage qu’en éléments sur les écrans et qui finissent par pénétrer dans les têtes. Ils en tombent sur tous les trottoirs.

C’est visqueux, vicieux. C’est pas visible et saisissable comme une matraque.

Les éléments de langage sont des matraques.

Tu t’amuses avec le langage, avec les corps. L’air de rien, tu en balances un nouvel élément avec ta langue de prédateur.

Et tu attends. Que ça prenne.

Et la plupart du temps, ça prend, ça inocule en perforant.

Il se met alors à pousser

Du disruptif

De l’enpowerment

Des capabilities

Des pôles en veux-tu, en voilà.

De la bienveillance, de l’empathie

De l’empathie et de la bienveillance

Répétés à satiété jusqu’à en être vidés de leur substance

Il faut que je dévide la substance.

Il ne faudra plus mettre un pied dehors

Juste ma fenêtre

Mes quinze mètres carrés

Et Jean-Sébastien Bach
 
Ca commence aujourd’hui.

4 commentaires:

  1. "Il y en a encore qui se servent de mégaphones." oui, c'est vrai, et il faut que je vous réponde avec le mien (on peut aussi parler doucement dedans, l'important étant que ça change le son, que le son dise vraiment ce qu'il en est de nous dans notre voix, que notre voix soit enfin ce qu'on veut entendre de la colère qui sort depuis dedans. Bonjour à Lucien, Charles P.

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  2. Grand merci de votre commentaire, Charles-Guy P.
    Je prends bonne note de vos conseils d'utilisation du mégaphone.

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