lundi 7 janvier 2019

L'Etablissement



L’Etablissement


Au sein de l’Etablissement
Il y a des conseillers

Des conseillers dédiés aux entreprises
Des conseillers dédiés à l’indemnisation
Des conseillers dédiés à l’accompagnement des demandeurs d’emploi (DE)

Au sein de l’Etablissement
Il y a trois modalités d’accompagnement des demandeurs d’emploi
La modalité dite Guidée (portefeuille de 400 DE)
La modalité dite Renforcée (portefeuille de 70 DE)
La modalité dite Suivi (portefeuille de 1000 DE)

L’enjeu majeur pour un conseiller en charge de la modalité Suivi est de ne jamais rencontrer physiquement ses DE. Le Suivi se fait exclusivement par mail ou par entretien vidéo. Les DE ressortissants de la modalité Suivi sont considérée par l’Etablissement comme les plus autonomes. C’est la crème des DE.

Au sein de l’Etablissement
Les demandeurs d’emploi sont distribués en catégories qui dépendent de leur ancienneté d’inscription auprès de l’Etablissement.

Il y a les demandeurs d’emploi nouvellement inscrits
Il y a les demandeurs d’emploi de longue durée
Il y a les demandeurs d’emploi de très longue durée

C’est en fonction des besoins d’accompagnement des demandeurs d’emploi que
NON
C’est en fonction de la volonté de l’Etablissement
Qui ne fait que relayer la volonté du Gouvernement
Que se construit l’offre de services de l’Etablissement
C'est-à-dire les prestations offertes aux demandeurs d’emploi par l’Etablissement

En 2015, l’Etablissement a refondu la quelque dizaine de prestations proposée et qui était délégué à de petits organismes de formations locaux

L’Etablissement a donc pensé qu’il serait plus efficient de refondre l’ensemble des prestations
Des prestations qui avaient pourtant faits leurs preuves, rôdées, éprouvées
En seulement trois prestations

L’Etablissement a donc recouru à un système national d’appel d’offres, les petits organismes de formation locaux furent conviés, eux-aussi, à répondre.
Mais les petits organismes de formation n’ont pas eu les moyens de répondre aux exigences des prestations, dont certaines demandaient un exorbitant investissement numérique, notamment pour le suivi à distance.

C’est donc logiquement que l’Etablissement a retenu des énormes groupes, à l’origine aucunement spécialisés dans l’accompagnement vers l’emploi, mais qui avaient pu s’équiper conformément aux exigences de l’appel d’offres de l’Etablissement, pour des dizaines de millions d’euros.

Les salariés des petits organismes de formation qui dispensaient les anciennes prestations de l’Etablissement ont donc perdu leur emploi.

Dans le même laps de temps, l’Etablissement a acheté des MOOCS à une société privée. Le MOOC pour rédiger sa lettre de motivation. Le MOOC pour bien réussir son entretien d’embauche. Le MOOC pour bien faire valoir ses atouts auprès des employeurs. C’était la même société privée qui avait mené la campagne numérique de Ségolène Royal.

Tout cela rentrait dans le cadre de la campagne de l’offre numérique du Service public. Même si l’Etablissement n’est plus un Service public.
Ca a fait plaisir au Gouvernement.
Dans le cadre de cette modernité numérique volontariste, on comprend aisément que l’inscription auprès de l’Etablissement ne se fasse plus que par le biais du site internet de l’Etablissement.

Il en est de même pour l’indemnisation.
C’est le MADU (Moteur Automatisé du Dossier Unique du demandeur d’emploi) qui détecte les justificatifs (attestation employeur, bulletin de salaire) que les demandeurs d’emploi auront eux-mêmes scannés et déposés sur leur espace personnel.

Dans ce contexte, l’Etablissement invite plus que fortement ses conseillers indemnisation à devenir des conseillers emploi.
Car à terme, selon les vœux de l’Etablissement, les conseillers indemnisation vont inexorablement disparaître. En effet, ils sont remplacés par le MADU.

Le conseiller indemnisation ne sera amené à intervenir si et seulement si le MADU aura été défaillant en ne détectant pas les pièces déposées par les demandeurs d’emploi dans leur espace personnel.

Pourtant, l’Etablissement avait longtemps encouragé la double compétence (indemnisation ET accompagnement vers l’emploi) : il appelait ça la culture commune.

Mais l’Etablissement change de culture comme de chemise, au gré des vents gouvernementaux.

L’Etablissement ne veut plus entendre parler de curriculum vitae
L’Etablissement veut qu’on dise dorénavant : profil de compétences

Une compétence, c’est un ensemble de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être, utilisé dans un contexte professionnel.

SAVOIR-ÊTRE

Selon les membres de l’Etablissement, c’est de ce côté que ça pèche chez les demandeurs d’emploi.
Ils ont du mal à SAVOIR-ÊTRE.
La preuve en est qu’entre conseillers, on ne se dit pas :
« Il y a Mme Durand ou Mr Martin qui voulait te voir au sujet de son entrée en formation et de sa rémunération-région »
Mais :
« Y a ta petite dame ou ton p’tit monsieur qui voulait te voir »

Les demandeurs d’emploi ne savent être
Qu’en petit.
Forcément… Ces salauds, ils bossent pas. Dans l’ethos d’un conseiller, la plus haute marque de moralité des femmes et des hommes ne se mesure qu’à l’emploi qu’il ou elle occupe.
Hors de l’emploi, point de salut !

Si un demandeur d’emploi ne se rend pas à une convocation envoyée par son conseiller, il se voit radié des listes et perd son allocation.
Le demandeur d’emploi se fait petit pour passer sous les crocs menaçants de la radiation car ça lui paraît énorme la radiation au demandeur d’emploi.
Pour un conseiller, c’est rien.
Il coche trois, quatre cases dans le logiciel de l’Etablissement et la radiation disparait.

Mais le conseiller le fait rarement car le logiciel sait tout des activités du conseiller et comme dans un tribunal, il y a de redoutable maîtres des requêtes informatiques au sein de l’Etablissement.
Il le fait rarement. Autrement, il ne serait pas conseiller.
C’est son tout petit pouvoir à lui au sein de l’Etablissement. Quand il s’en sert, il prend des airs de conspirateur et s’assure qu’il n’y a personne aux alentours.
On croit trop souvent que les conseillers ont du pouvoir.
Ils n’en n’ont aucun.
Et ça, on ne peut le savoir qu’en faisant partie de l’Etablissement.
Quand il veut prendre une initiative ou rencontre une difficulté
Il lui faut en référer au référent de la question
Lequel en réfèrera à son N+1
Lequel pourra faire intervenir le N+2
Lequel à son tour pourra, si c’est nécessaire, en référer au N+3

Et la somme de (N+1) + (N+2) + (N+3) + (N+4) etc. est égale à un grand sac de N

C’est en faisant partie de l’Etablissement que je suis moi-même devenu, insensiblement
UN SAC DE HAINE


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire