vendredi 1 octobre 2021

Tête de mort

 

Tête de mort


Tu travailles

Il travaille

Vous travaillez

Ils travaillent

Pour qui ?

Pour quoi ?

Comment on travaille ?

On travaille comme on peut

Quelles sont les conditions de travail ?

Elles sont mauvaises

Quelles sont les relations de travail ?

Elles sont mauvaises

Quel est le rapport hiérarchique ?

Il est mauvais

Le rapport hiérarchique te coupe la chique

Pour toucher ton chèque il faut te faire couper la chique

Le rapport de force n’est pas favorable

Le rapport de force est mauvais

Tu veux pas te faire couper la chique ?

Tu veux pas admettre que le travail c’est la liberté émancipatrice ?

Tu veux pas qu’on essore tes compétences ?

Tu n’as pas d’appétence pour le silence ?

Tu veux pas exécuter ?

La porte est grande ouverte

Tes hiérarchiques l’ouvrent et il y en a 150 qui s’engouffrent aussitôt

Le chantage au chômage

L'instrument disciplinaire

Ici, le chômage c’est suspect

D’ailleurs on ne dit plus chômeurs on doit dire demandeurs d’emploi

Dès que j’ai pu j’ai mis mon pied dans la porte

Ils avaient essoré mes compétences

Plus exactement ils disaient tu es trop critique

Tu ne veux pas exécuter

Tu ne peux pas exécuter

Tu es trop critique

On dirait que tu t’ennuies

Aux pause-déjeuner on peut pas te parler

Tu manges tu fais la gueule et tu files

Alors j’ai dit

Ah mais ça c’est parce que je trouve vos conversations sans intérêt

Quand je suis en pause je suis en pause je parle pas du professionnel

Vous, vous n’êtes que des professionnels

Et de bons petits citoyens

Vos opinions sur les sondages 

Vos taux d’emprunt avantageux pour la voiture pour la maison

Que vous passiez au solaire

Que votre banquier soit sympa

Ca m'indiffère

Vous dépassez jamais de la case allouée

Les cases faut qu’elles explosent

Je suis le kamikaze anti-cases

Ce serait plutôt ça mon job

C’est un job solitaire

Ca n’exige pas de compétences spécifiques

Je ne veux plus qu’un n+1 plus con que moi me dise ce que je dois faire et comment je dois le faire

Je ne veux plus en référer au référent

Je ne veux plus participer au salariat

Et le salariat ce n’est plus le travail quelqu’il soit

C’est l’environnement de travail

C’est l’étau

C’est la tête sur le billot 

C’est la collaboration

C’est la victoire écrasante de la sociologie des organisations

C’est la victoire du management participatif

C’est la gerbe

Je ne veux plus avoir la gerbe

Je veux être sain

Je veux être libéré

Je ne veux plus partir le matin quand il fait encore nuit

Je ne veux plus revenir le soir quand il fait déjà nuit

Et ne rien voir du jour

Ne rien voir grandir

Et le regretter bien plus tard

Quand c’est trop tard

Le travail c’est devenu un truc de mort-vivants

Sur leurs tombes ce sera pas inscrit 

“AURA ÉTÉ UN HONNÊTE SALARIÉ” 

Ils prenaient pas de place

Ils se sont contentés de leurs cases

Plus ou moins importantes

Avec leurs petites contributions

Salariés jamais considérés en entier

Les petits patrons c’est pire

Salariés d’eux-mêmes de leur plein-gré

On ne manque pas de héros

Et quand je vois ça

Je n’ai plus rien à en dire

Il suffit d’ouvrir les yeux

Une bonne fois

Et alors la grande liberté émancipatrice

Cette impératrice

Tu la vois bien en face

Toute sa tête de mort

BIEN EN FACE  



Participation aux ateliers d'écriture de Laura Vasquez


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