dimanche 21 novembre 2021

Poésie émeutière

 Poésie émeutière



Y en a marre de la poésie qui poésifie

Qui fait la belle avec les couchers de soleil

Qui tire sa gloriole des béates aurores 

ô qui se pâme du jour soit-disant nouveau qui vient

Des feuilles d’automne qui tombent

Sur lesquelles elle marche et qui écoute ses pas

Dans la contemplation de son nombril


Y en a marre de la poésie qui réifie la vie

Qui compte les strophes


Il faut faire de la poésie qui apostrophe qui accroche

Qui dit le réel de la vie

Les salaires de misère

Les logements de misère

Les pensées de misère

Les espoirs miséreux et les genoux cagneux


De la poésie directe

Pas représentative

De la poésie sociale et impérative

De la poésie qui s’invite et prend de force

Les têtes et les corps de ceux qui se torchent avec la poésie contemplative

Parce que la poésie contemplative et bien rimée les a fait chier toute leur scolarité


De la poésie émeutière

Altière

Cavalière

Qui forme cortège

Un indigeste et cauchemardesque cortège

Qui fera fuir les syndicalistes les slogans et les mots d’ordre bien balisés

Qui ne rentre pas dans les rangs


De la poésie émeutière

Sans revendication particulière

Seulement de la vie qui se vit

Celle de la colère enfouie

Une poésie de la cocotte minute en chacun et chacune d’entre nous

Une poésie de mots explosifs qui vont où ils veulent et qui font du bruit

Chacun et chacune hurlera sa colère depuis bien longtemps


Le cortège de la poésie émeutière se disseminera vite

Partout

La poésie émeutière destituera la poésie établie avec ses petits habits

La poésie établie qui ne dit rien sinon les états d’âme des poètes établis et bien mis dans leurs petits habits et les revues bien établies


La poésie émeutière renversera

Partout il y aura des feux de poubelle

Elle fera sien le mobilier urbain

Elle en usera comme il lui plaira


La poésie émeutière jouera aussi au chat et à la souris

Elle donnera le tournis avec des mots inédits

Hurlés par ses poètes profanes 

Personne n’y échappera

La poésie émeutière prendra place dans la masse

Elle fera la nique aux nasses de l’ordre poétique et politique

Elle se dira partout

Dans les CAF au Trésor public et dans les préfectures

Dans les mairies les assemblées départementales et régionales

La poésie émeutière fuira les syndicats

Des mots nouveaux mais anciens par l’enfouissement dans le dedans des émeutiers

Des vies d’enfouissements dans le consentement


Seule la poésie émeutière dira à nouveau le contentement ou tendra vers

Ce sera son unique règle

Dire ses mots inusités dans des lieux non accoutumés

C’est à dire PARTOUT

Les mots des loyers impayés

Les mots des crédits non-honorés

Les mots des salariés écrasés

Les mots des chômeurs

Les mots des sans-papiers

Les mots des femmes violées

Les mots des radiés du monde 


La grande armée de réserve s’exprimera à nouveau

La poésie émeutière ne théorisera pas

Elle se fera toute seule

Elle liera des contrées très éloignées

Les établis en seront tout ébahis

Les établis seront bouche bée

Et alors la poésie émeutière marchera sur leur langue

Car la langue des établis a toujours été celle du pouvoir

Et ce que veut toujour un pouvoir, c’est durer

C’est persister dans son hostilité à la masse, dans son inhumaine inanité

Dans la gestion de la crise

Avoir le monopole de la gestion de la crise


La poésie émeutière sera son pire cauchemar

La poésie émeutière sera partout

Entière, nouvelle et ingérable

La poésie émeutière sera elle-même la crise









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