Poésie émeutière
Y en a marre de la poésie qui poésifie
Qui fait la belle avec les couchers de soleil
Qui tire sa gloriole des béates aurores
ô qui se pâme du jour soit-disant nouveau qui vient
Des feuilles d’automne qui tombent
Sur lesquelles elle marche et qui écoute ses pas
Dans la contemplation de son nombril
Y en a marre de la poésie qui réifie la vie
Qui compte les strophes
Il faut faire de la poésie qui apostrophe qui accroche
Qui dit le réel de la vie
Les salaires de misère
Les logements de misère
Les pensées de misère
Les espoirs miséreux et les genoux cagneux
De la poésie directe
Pas représentative
De la poésie sociale et impérative
De la poésie qui s’invite et prend de force
Les têtes et les corps de ceux qui se torchent avec la poésie contemplative
Parce que la poésie contemplative et bien rimée les a fait chier toute leur scolarité
De la poésie émeutière
Altière
Cavalière
Qui forme cortège
Un indigeste et cauchemardesque cortège
Qui fera fuir les syndicalistes les slogans et les mots d’ordre bien balisés
Qui ne rentre pas dans les rangs
De la poésie émeutière
Sans revendication particulière
Seulement de la vie qui se vit
Celle de la colère enfouie
Une poésie de la cocotte minute en chacun et chacune d’entre nous
Une poésie de mots explosifs qui vont où ils veulent et qui font du bruit
Chacun et chacune hurlera sa colère depuis bien longtemps
Le cortège de la poésie émeutière se disseminera vite
Partout
La poésie émeutière destituera la poésie établie avec ses petits habits
La poésie établie qui ne dit rien sinon les états d’âme des poètes établis et bien mis dans leurs petits habits et les revues bien établies
La poésie émeutière renversera
Partout il y aura des feux de poubelle
Elle fera sien le mobilier urbain
Elle en usera comme il lui plaira
La poésie émeutière jouera aussi au chat et à la souris
Elle donnera le tournis avec des mots inédits
Hurlés par ses poètes profanes
Personne n’y échappera
La poésie émeutière prendra place dans la masse
Elle fera la nique aux nasses de l’ordre poétique et politique
Elle se dira partout
Dans les CAF au Trésor public et dans les préfectures
Dans les mairies les assemblées départementales et régionales
La poésie émeutière fuira les syndicats
Des mots nouveaux mais anciens par l’enfouissement dans le dedans des émeutiers
Des vies d’enfouissements dans le consentement
Seule la poésie émeutière dira à nouveau le contentement ou tendra vers
Ce sera son unique règle
Dire ses mots inusités dans des lieux non accoutumés
C’est à dire PARTOUT
Les mots des loyers impayés
Les mots des crédits non-honorés
Les mots des salariés écrasés
Les mots des chômeurs
Les mots des sans-papiers
Les mots des femmes violées
Les mots des radiés du monde
La grande armée de réserve s’exprimera à nouveau
La poésie émeutière ne théorisera pas
Elle se fera toute seule
Elle liera des contrées très éloignées
Les établis en seront tout ébahis
Les établis seront bouche bée
Et alors la poésie émeutière marchera sur leur langue
Car la langue des établis a toujours été celle du pouvoir
Et ce que veut toujour un pouvoir, c’est durer
C’est persister dans son hostilité à la masse, dans son inhumaine inanité
Dans la gestion de la crise
Avoir le monopole de la gestion de la crise
La poésie émeutière sera son pire cauchemar
La poésie émeutière sera partout
Entière, nouvelle et ingérable
La poésie émeutière sera elle-même la crise
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